Ça y est, le télescope spatial « Corot » vient d’être lancé, apparemment avec succès ! Depuis son orbite polaire, il devrait recueillir diverses informations au cours des trois années à venir, permettant d’étudier la sismologie des étoiles (c’est-à-dire leurs modes de vibration interne, porteurs d’information sur leur structure physique, température, densité, vitesse du son locale du centre à la surface…) et de détecter un grand nombre de planètes orbitant autour d’étoiles situées à des dizaines d’années-lumière du Soleil, y compris des planètes telluriques, c’est-à-dire solides, composées non pas de gaz, mais de roches, comme Mercure, Vénus, Mars ou… la Terre !
Si l’existence de ces autres mondes fascinent, c’est au moins en partie parce qu’elle est reliée à la question : « sommes-nous seuls dans l’univers ? ». Même si cette question est en réalité mal posée ! Ou plutôt, la manière dont elle est posée présuppose une certaine conception de « ce qui est ». Quand on se demande si nous sommes seuls dans l’univers, qu’entend-on par « nous », par « seuls », et par « univers » ? Et que veut dire le verbe « être » ? Rien de tout cela ne va de soi, loin s’en faut ! Je ne me risquerai pas ici à approfondir ces questions, mais sans doute n’est-il pas inutile de réaliser, aussi souvent et aussi sincèrement que possible, que la nature et la définition de ces notions (même au niveau strictement cognitif) nous échappe en grande partie. [NB : Si vous avez des précisions à ce sujet, je suis preneur !]
Pour la plupart des scientifiques à l’origine de la mission Corot, je présume que la question « sommes-nous seuls dans l’univers ? » (si tant est qu’ils se la posent) signifierait essentiellement : existe-t-il, sur d’autres planètes orbitant autour d’autres étoiles, des entités biologiques complexes à support matériel carboné (ou autre ?), automobiles, vivantes (au sens de la réplication ?), douées de conscience (euh, c’est quoi, au fait ?) et capables de communiquer entre elles.
Pour ma part, je dirais que la notion d’univers elle-même est mal définie, ou mal cernée. Ne peut-on pas parler d’univers mental, d’univers conscientiel, d’univers archétypal, autant que d’univers matériel ? Si nous voyageons en rêve vers une planète habitée, avec des « gens » qui nous parlent, nous instruisent sur leur vie, leur pensée, nous chantent des chansons ou nous lisent des poèmes (si, si, ça arrive ! 😉 ), cela ne signifie-t-il pas que nous ne sommes effectivement pas seuls ? Quelle différence cela fait-il qu’un univers soit « matériel » ou non ? Et avons-nous un quelconque moyen de caractériser la matérialité d’un monde ? Il faudrait déjà savoir ce qu’est la matière, et quel est son lien, justement, avec les univers mental et conscientiel (par exemple). Or – en mauvais physicien ou en bon physicien, c’est selon… 😉 – j’ignore comment définir la matière, et j’oserais dire que la Physique l’ignore tout autant ! La quête se poursuit…
Bref, je voulais juste saisir l’occasion de ce lancement du télescope Corot pour saluer les habitants de tous les mondes, réels, virtuels, oniriques, imaginaires, intérieurs, quels qu’ils soient, où qu’ils soient, où qu’ils ne soient pas. Espérons qu’ils ne soient pas seuls, car cela voudrait dire que nous-mêmes ne sommes pas ! Au fait, sommes-nous ? Sommes-nous conscients d’être ? Sommes-nous ce que nous croyons être ?
Ce qui est inquiétant, voire terrifiant – et cela questionne profondément notre identité humaine –, c’est que certains Hommes puissent se sentir seuls ici-même, sur Terre, au milieu d’autres Hommes ! Dès lors, à quoi bon chercher d’autres mondes ? Serait-ce pour mieux nous trouver nous-mêmes ? Ou pour mieux nous fuir ? Car la fuite dans le virtuel semble de plus en plus le lot commun de l’humanité ?
La femme aux semelles de vent vient de m’envoyer un lien où l’on peut lire :
« Il existe aujourd’hui une quinzaine d’univers virtuels fréquentés par 20 millions de joueurs qui s’y inventent des vies numériques. Parmi eux, 20 % reconnaissent que ces mondes virtuels sont devenus leur lieu réel de vie et que la terre ne leur sert plus qu’à manger et à dormir. »
On se demande alors : et les autres, ceux qui ne fréquentent pas ces mondes virtuels ? Et nous-mêmes ? Sommes-nous certains de faire autre chose que manger et dormir ? Parvenons-nous à faire vivre nos rêves ? Et n’est-ce pas là, finalement, que s’ancre la réalité ? La vie n’est-elle pas plus réelle lorsque s’y manifestent, dans notre quotidien, dans notre rapport avec les autres, ces valeurs « immatérielles » qui nous donnent souffle et font danser nos âmes ?
Tout de suite après, dans le même article, on lit :
« Au trait d’union de ces mondes [virtuels] et du nôtre se met en place un commerce démentiel. » !
Ceci explique peut-être cela. En cette période de Noël, la consommation est reine, impératrice, dictatrice, encore un peu plus qu’à l’accoutumée … Pour certains, Noël est aussi un rappel à la « Présence ». Quoi que cela signifie pour nous, essayons de ne pas alimenter ce courant de fanatisme anti-religieux qui préfère l’excitation hystérique et superficielle ou la débauche consumériste autodestructrice à toute forme de recueillement sincère et de tendresse humaine. D’ailleurs, la « présence » que nous recherchons dans ces autres mondes qu’on appelle planètes extrasolaires, c’est peut-être tout aussi bien la conscience dépouillée de ses artifices. Et la paix des vides intersidéraux, rien d’autre que celle que nous pressentons au fond de nos âmes, dans l’essence de ce monde que nous aurions tort de tenir pour connu, circonscrit et maîtrisé, comme si l’explorer ne consistait plus qu’à en compléter l’inventaire.
Un nouveau monde, c’est peut-être déjà un nouveau regard sur le monde…
En attendant de vous croiser quelque part dans « Second Life », voici l’image d’une image, en hommage à Jean-Baptiste Camille Corot, paysagiste de la planète Terre :
À Orphée, par l’éternelle lyre…
Salutations renouvelées aux habitants de tous les mondes (avec une mention spéciales aux Orionautes !),
ET