Je vous avais promis (cf. billet du 23 avril…) de vous donner la réponse de Stephen Hawking à la question que je lui avais posée par Internet à l’occasion de sa venue à Paris, au cas où il l’aurait retenue pour y répondre publiquement lors de sa conférence de samedi dernier. Puisque Stephen Hawking avait effectivement préparé une réponse, je me dois maintenant de vous la donner.
Malheureusement, mes espoirs – peut-être naïfs, mais ne vaut-il pas mieux espérer naïvement que cyniquement désespérer ? – n’ont pas été comblés. Loin s’en faut !
À vrai dire, j’avais préparé une petite note à l’issue de sa première conférence, vendredi, lors de l’inauguration scientifique du laboratoire APC (AstroParticule et Cosmologie), dans laquelle j’exprimais ma vive désapprobation quant à la manière, aussi honteuse que tragique et ridicule, dont Stephen Hawking était mis en scène, non seulement vis-à-vis du « grand public », mais au sein même de la communauté scientifique. Et puis, sur les conseils d’une amie qui me veut du bien ;-), j’ai laissé la fièvre baisser… (pour tout dire, j’avais intitulé cette note « mascarade éhontée » !)
Je serai donc plus modéré ce soir, pour déplorer simplement qu’il se soit installé autour de Stephen Hawking ce qu’il faut bien appeler un culte, dans le plus mauvais sens du terme, où tout est fait pour entretenir le sentiment que ce chercheur – d’un immense talent, sans l’ombre d’un doute, et dont la contribution à la science physique est vraiment remarqauble, mais en aucun cas unique et inégalé – est l’oracle ultime de la physique dont nous attendrions tous le jugement infaillible et la lumière définitive.
Bref, inutile de s’étendre sur cette mise en scène, voire cette mascarade, qui n’a d’autre intérêt que de nous rappeler que lorsqu’on chasse un dieu par la porte, il arrive qu’un autre revienne par la fenêtre…
Mais – chose promise, chose due – voici la réponse qu’il m’a faite. Elle me paraît inintéressante dans ce contexte, ou tout du moins hors sujet, mais bon… [Il se peut que ma question fût également inintéressante, bien sûr, mais dans ce cas pourquoi l’avoir sélectionnée (seules deux questions ont été retenues !) ? À moins que ce que j’avais en tête ne fût tout simplement pas clair, et qu’il y ait eu un qui pro quo sur le sens de la question…] Je rappelle donc la question :
La question de l’origine de l’univers est principalement soulevée en Physique en relation avec le « temps ». Pensez-vous que la cosmologie pourra à terme élargir sa perspective historique ? Dans quelle mesure l’ontologie peut-elle être considérée comme faisant partie de la Physique ?
Et voici donc (à travers le chuintement du synthétiseur vocal, étrangement – ou peut-être volontairement ? – difficile à déchiffrer, comme d’outre-tombe…) la réponse de l’oracle :
The universe has a beginning in imaginary time, a direction in time that behaves like space. There is no beginning in real time, the time that you and I experience.
There would appear to be a previous contracting phase, and a bounce at finite density. (..?) cosmology is the study of the very large, while particle physics is the study of the very small.
Traduction, avec quelques explications pour les non-initiés :
L’univers a un commencement en temps imaginaire,
[Je précise qu’il s’agit là de la notion mathématique des nombres imaginaires, et non de la notion courante…]
une direction du temps qui se comporte comme l’espace.
[En effet, ce qui distingue la dimension du temps des dimensions d’espace, en relativité, disparaît si le temps prend des valeurs imaginaires (au sens mathématique), et le temps n’est alors plus du temps, à proprement parler, mais de l’espace ordinaire.]
Il pourrait y avoir eu une phase précédente de contraction, et un rebond à densité finie.
[Il est fait référence ici à une phase de l’évolution de l’univers qui aurait précédé la phase d’expansion actuelle, décrite par les théories cosmologiques de big bang. Dans le cadre d’une théorie cosmologique non quantique, cette phase de contraction est possible en principe, et pourrait représenter un état de l’univers “avant le big bang”, mais elle devrait être séparée de la phase actuelle par ce qu’on appelle une “singularité”, qui nous empêche d’en savoir quoi que ce soit (pas même si elle a bel et bien existé !), et qui interdit tout lien (ou toute influence) entre cette phase hypothétique et la phase actuelle. Bref, vous pouvez dire qu’elle a eu lieu, ou qu’elle n’a pas eu lieu, ou qu’elle était comme ceci, ou plutôt comme cela : personne ne pourra jamais vous contredire, mais vous ne pourrez jamais convaincre personne non plus… Tout est parfaitement égal du point de vue de l’univers physique dans lequel nous sommes.
Quand Stephen Hawking parle de “rebond à densité finie”, il fait justement référence à une possibilité d’éviter la “singularité”, qui correspond à une densité infinie. Pour ce faire, il utilise (je pense) ce que pourrait être la conséquence d’une théorie quantique de la gravitation (que les physiciens espèrent tous mettre un jour sur pied – peut-être dans pas trop longtemps…) sur la description cosmologique de l’univers, notamment via l’apparition du “temps imaginaire” (toujours au sens mathématique) auquel il faisait référence auparavant.]
[..?] cosmologie est l’étude du très grand, tandis que la physique des particules est l’étude du très petit.
[Là, c’est une remarque banale, dont je m’interroge sur la pertinence dans ce contexte…]
Bon, voilà. Cette réponse est sans rapport avec la question posée (du moins avec celle que j’ai eu l’intention de poser…). Dommage !
Mais bon, j’ai essayé… 😉
ET
C’est vrai que Steven Hawking semble avoir repondu (bien a cote de la plaque) a une question banale sur l’origine du temps. Pour sa decharge je dirais que ta question etait horriblement compliquee neanmoins! Mais si tu as pose la question c’est surement que tu as un avis la dessus, que tu voulais confronter. Alors, qu’est ce que tu en penses, toi (comme c’est une question plus philosophique que physique tu as surement un avis interessant sans etre specialiste de la cosmologie tres primordiale, en tous cas pour la deuxieme partie de la question qui concerne la physique en general)?
C’est vrai, Denis. La question n’est pas facile. J’espérais quand même qu’un scientifique de grand talent qui s’interroge depuis des décennies sur la physique fondamentale et fait à l’occasion référence à la pensée des philosophes de la Grèce antique serait en mesure de nous proposer quelques réflexions intéressantes sur ce sujet. Ou tout au moins de comprendre sa nature !
En tout cas, tu as raison, si j’ai posé la question, c’est qu’elle me paraît pertinente pour la physique. De là à dire que j’ai un avis précis à ce sujet… Mais d’accord, j’essaierai d’en dire deux mots dans mon prochain post…
il semblerait que ce soit votre interprétation, étienne, qui le fasse répondre à côté de la plaque; prenez le début de sa réponse:
“the universe has a beginning in imaginary time”
pourquoi ne voulez-vous pas accepter la phrase telle qu’elle est dite? pourquoi l’interprétez-vous?
de la même manière, dans cette existence, personne ne veut accepter “les contraires sont semblables”, pourquoi?
la pensée mécanique ou conditionnée veut plier tout à son calcul en trois ou quatre dimensions et refuse le reste…..
en clair, l’humain reste asservi à un rustique outil de mesure (la pensée n’est que cela et rien d’autre, son inlassable activité consiste à mesurer, comparer et archiver, le tout en circuit fermé)
juste une précision: il y a un point dans l’humain où les contraires sont semblables, c’est ce qu’expliquent tous les grands courants spirituels sans exception.
“there is no beginning in real time”
cela ne vous rappelle-t-il pas le message d’un certain jésus à propos de la vie éternelle, ou d’un certain bouddha à propos du non-né.
la seule chose qui vous sépare de ce point est la “mer des roseaux” du mental conditionné que seul un voyant aveugle nommé moïse, qu’on pourrait aussi appeler confiante intuition, fait traverser au peuple élu, moïse est le frère de pharaon (en hébreu ce nom signifie désordre), un autre nom pour ego; ego étant une image mentale forgée par la pensée conditionnée.
En réponse au premier message de gmc, je dirai qu’il se peut que mon interprétation soit erronée, en effet, mais que dans ce cas précis je suis presque certain que ce n’est pas le cas. Tout simplement parce que l’apparition du temps imaginaire (au sens mathématique) aux tout premiers instants (ce qu’on appelle l’échelle de temps de Planck) est une composante classique des travaux de Stephen Hawking et de bien d’autres chercheurs dans ce domaine, et que Stephen Hawking s’est exprimé de très nombreuses fois sur cet aspect, en se référant toujours à la notion mathématique de « nombre imaginaire », qui est de toute façon celle qui apparaît explicitement dans les théories. À aucun moment, à ma connaissance, il n’a fait allusion à ce qui pourrait être plus qu’un jeu de mot sur ce terme, et relié ce « temps imaginaire » à la notion d’imagination. Je ne crois pas d’ailleurs que la question de l’imagination (considérée dans ses aspects psychologiques et philosophiques, voire métaphysiques) fasse partie de ses sujets de réflexion explicites. Bref, le « temps imaginaire » qui apparaît dans les réflexions cosmologiques sur l’origine de l’univers se réfère bien à la notion mathématique de « nombre imaginaire », et rien ne m’autorise à penser que Stephen Hawking avait autre chose en tête. Tout, au contraire, me commande de penser le contraire. Sinon, d’ailleurs, il aurait tout de même fallu en dire davantage, car vous conviendrez que sa remarque est un peu courte si on l’entend de la manière que vous suggérer…
Comme le dit T. il “faut” briser la temporalité pour pénétrer dans l’espace, briser l’enchaînement ,afin de rentrer dans le vide…
Je suis spécialiste de la temporalité en psychologie scientifique, dans la filiation Einstein, Piaget, Fraisse
J’ai publié un premier livre sur mes premiers travaux des années 60 et j’ai un point de vue sur le temps (je viens de finir de lire Motl sur l’équation Bogdanov) et j’ai toujours lu les livres de Hawking.
Le mot temps imaginaire me gêne beaucoup à cause de sa place dans la description de la vie psychique.
Qu’on appelle certains objets “particules de charme”, bof, qu’on prenne la métaphore du “bootstrap” (qui me fut expliqué à Peyresc en 1980 quand j’ai présenté un topo “…”, comme … mais j’arrête là car je vais être obligée de décrire les comportements malhonnêtes de certains physiciens qui vous sollicitent, vous utilisent et ensuite, … bof, bof.
Le mot imaginaire est très mal utilisé, j’y tiens et mon point de vue de chercheuse en psychologie, de psychosomaticienne, de spécialiste de Pavlov dont j’ai visité le labo en 1957, et mon point de vue de psychanalyste, devrait pouvoir être envisagé dans une discussion franche, …
Autrement que dans le séminaire où j’avais aimablement invité Schneider, astrophy de Meudon, à raconter ses fantaisies, et qui sur le net ne parle de la psychologie du temps qu’avec le nom de mon ancien patron… Et la déception, ce n’est pas tout, quand je lis des Anciens que ce patron citait légèrement, je veux dire UNE FOIS, une fois seulement alors que cinq pages d’un livre d’un de ces auteurs me fait découvrir … mais bof…
Trève de discussion DANS LE VIDE, un vide qui n’existe pas en psychologie de l’imaginaire…,
sauf à être un résultat inconscient de la pensée qui se perd…, sauf à considérer le vide de la mort et la fin de “notre temps sur terre”…
Un détail ou deux :
J’ai publié une petite “chronique” concluant que “ce n’est pas le temps qui passe, c’est nous qui passons”… et je sors bientôt (fin aout, dans l’édition que j’ai créée avec mes sous, un ouvrage un peu hors du temps :
“Dialogue à la mémoire de … Frédéric Joliot-Curie”, avec R. Lozach (1915-1997), faits d’entretiens enregistrés en 1984, Joliot étant mort il y aura 50 ans dans 13 jours…
Nadine Zuili, Edition CENTRE SIMBOL NZ. 01.08.08
Il me semble que le temps imaginaire d’Hawking est un artefact permettant de raisonner sur les structures probables, de l’univers intégrant des classes d’histoires possibles de l’univers, considéré dans un mouvement cyclique Big Bang/Big Crunch.
Cette conception cyclique de l’univers, a l’avantage de sa cohérence logique, et apportant une réponse logique, aux problèmes de l’origine.
Ceci permet d’induire une composante quantique à l’échelle cosmologique.
Notre univers apparaissant comme effondrement de la fonction d’onde à un instant (t).
De nombreuses histoires différentes peuvent aboutir à l’univers que nous connaissons aujourd’hui.
Cordialement,
Tchao