J’ai une question à vous soumettre…
Oh, toute simple : pas de cosmologie, cette fois. Peut-être plutôt de la sociologie… 😉
J’ai découvert cet après-midi un idéogramme inattendu.
Me rendant par voie ferroviaire d’Amsterdam à Groningen – aux Pays-Bas, donc –, j’ai dû changer de train quelque part entre les deux, à Amersfoort. Au cours de la première partie du voyage, j’étais assis derrière un anglais et une anglaise, probablement collègues de travail, dans le plus pur style british. Distinction exemplaire, courtoisie inégalable, articulation parfaite, intonations impeccables… comme sur une cassette de méthode linguistique ! Notre gentleman faisait peut-être un usage quelque peu excessif de ce qui semblait chez lui être un pilier majeur de l’art de la conversation : l’étonnement !
Devant tant de civilité, je n’ai pas eu l’inélégance d’écouter ce qu’ils se disaient, mais on eût pu penser qu’une véritable révolution se déroulait dans l’esprit de mon sémillant compagnon de voyage. Je pense qu’il a été surpris trois fois par minutes pendant pratiquement 45 minutes. Mais pas de « Ah bon ? Pas possible ! », ni de « C’est pas vrai ! », « Sans blague ! », « Non, j’te crois pas ! ». Nenni. Simplement quelques « Oh, really ? » bien appuyés, des « Oh, I see… » bien cadencés, ou des « Oh, really, is it ? » bien arpégés…
Mais je m’égare. Toujours est-il que, distingué ou non, un fond sonore, léger mais lancinant, avait insensiblement envahi mon espace de réflexion. Pas de quoi s’alarmer, cependant. On ne va tout de même pas devenir un vieux schnock ! Il suffit d’accroître un peu sa concentration, et le voyage continue…
À Amersfoort, donc, je change de train… et mes compagnons de voyages aussi ! Même wagon, mais cette fois deux sièges derrière le mien ! Et c’est reparti pour un flot ininterrompu de paroles et d’intonations (je me demande d’ailleurs si, parfois, l’intonation seule ne tient pas lieu de parole – s’il y a un anglais dans la salle, son avis m’interresse ! 😉 ). Je n’y prêtais déjà plus attention depuis cinq minutes au moins lorsqu’un autre voyageur, tout aussi courtoisement, explique à nos deux amis qu’ils sont dans un wagon silencieux, et qu’ils ne peuvent donc pas parler. Levant l’oreille de mon cahier (si je puis dire), je l’entends dire alors que vraiment, dans ce wagon, c’est spécial, pas de musique, pas de téléphone, pas de discussions ! Un instant, je me suis dit : « il est très fort, ce type : il voit qu’ils ne sont pas du coin, et il y va au bluff ! ». Mais très vite j’entends qu’il leur montre de petits signes au-dessus de chaque fenêtre. Je lève alors les yeux au-dessus de la mienne. Deux signes, en effet : un téléphone barré de rouge, et un index devant la bouche d’un visage stylisé, qui semble dire gentiment « chut ! ».
Les deux anglais s’excusent alors, disant qu’ils ne savaient pas. L’autre dit non, non, je vous en prie, je suis désolé. Pas du tout, au contraire, toutes nos excuses. Merci. Merci à vous. Bon voyage. Et sur ce les deux voyageurs se lèvent et vont poursuivre leur conversation dans un wagon approprié.
Première réaction, un peu idiote (comme un réflexe) : « eh ben dites donc, ça rigole pas aux Pays-Bas ! »
Mais très vite, dès que la porte se referme en bout de compartiment, je suis comme envahi par le délice du silence ! Un silence relatif, certes – nous sommes tout de même dans un train ! – mais le simple fait de ne pas avoir à lutter inconsciemment contre la conversation d’autres voyageurs procure un appréciable sentiment d’aise. Je l’accueille comme un repos.
Alors, voilà ma question : qu’en pensez-vous ? Faut-il généraliser l’usage de ces « wagons sans parole » ?
Tout de suite après la première, ma deuxième réaction a été : « aie aie aie, si on est obligé d’imposer le silence par la loi pour voyager un peu tranquille, c’est que la société va bien mal ! D’un côté, il faut que nous soyons devenus de sacrés vieux acariâtres pour ne pas supporter la moindre conversation ! De l’autre, il doit décidemment nous rester bien peu de sens civique pour qu’il ne nous vienne pas à l’idée spontanément de ne pas empoisonner nos voisins de nos vains bavardages ! ». Je m’apprêtais donc à répondre « non » à la question posée.
Seulement voilà – et c’est ce qui m’a intéressé dans cette « expérience » : les deux compagnons de voyages n’avaient pas du tout le profil du fauteur de trouble et d’incivilité. De fait, leur discussion était plutôt discrète (rien à voir avec ces inévitables téléphoneux du RER qui racontent au wagon entier le détail de leur emploi du temps de la journée, se donnent bruyamment le beau rôle dans toutes sortes de situations insignifiantes – quand ce n’est pas carrément un auto-certificat de sainteté œcuménique -, ou décrivent par le menu je ne sais quelle intervention chirurgicale subie par leur belle sœur – une horreur !).
Mais aussi discrète et courtoise fût-elle, il faut bien reconnaître que cette conversation ininterrompue était une gêne latente pour l’entourage. Tout à fait supportable, bien sûr (et à vrai dire, il ne me serait jamais venu à l’idée qu’on pouvait s’en plaindre), mais gênante malgré tout (car il n’est pas douteux qu’elle allait se poursuivre encore une heure pleine, jusqu’à Groningen). Alors voilà. Peut-être n’est-il pas si idiot, finalement, de réserver un wagon pour ceux qui souhaitent lire, travailler, dormir, ou apprécier le paysage en silence, en permettant aux autres de discuter ailleurs. Le silence serait alors un luxe que chacun peut s’offrir, suivant son humeur du moment.
Il ne s’agit pas – j’espère ! – de faire la chasse aux joyeux compagnons épris de conversation et généreux en amabilités orales, ni d’interdire de temps à autre quelques échanges courtois, même entre voyageurs du silence. Mais tout comme on ne saurait renoncer au charme – que dis-je, à la splendeur inimitable ! – de ces vastes bibliothèques où le bois longuement travaillé par les ans résonne chaque jour un peu plus des maints échos superposés de plusieurs siècles de silence, ces wagons sans parole (et sans portable !) mériteraient peut-être de faire leur apparition dans le paysage ferroviaire français… 😉
Bon, sinon, on le savait déjà, mais… les Pays-Bas, c’est plat !
Non, je veux dire, vraiment plat ! Gare à l’augmentation du niveau de la mer…
C’est étrange, d’ailleurs, de se dire qu’on ne doit constamment d’avoir les pieds au sec qu’à quelques digues à l’avenir énigmatique, quoi qu’on en dise. Je vous écris en ce moment même, d’en dessous du niveau de la mer !
Alors, glou.., à bient… Glou glou glou
ET
Mais dans les TGV de chez nous, ils existent également, du moins en première classe. Je n’ai pas remarqué l’idéogramme, mais c’est inscrit sur la porte du wagon.
Il y avait une éternité que je n’avais pas pris le train, mais j’ai dû faire deux déplacements tout récemment, au mois de juin. J’étais dans ce type de wagon et effectivement, il n’y avait que des hommes d’affaires, devant leurs dossiers ou leur ordi, quelques-uns parlaient à voix basse sans que ce soit gênant, d’autres lisaient. Un vrai plaisir. Au retour, il en fut tout autrement.. Dans mon wagon, un homme toussait toutes les vingt-secondes. Certes, ce n’était pas de sa faute mais c’était éprouvant pour les nerfs, et comme bien heureusement il y avait de nombreuses places disponibles, j’ai changé de wagon. Enfin quand je dis “heureusement”, c’est une façon de parler.. deux femmes de l’autre côté de la rangée papotaient comme si elles étaient seules au monde, et de ces deux étrangères, on pouvait tout savoir.. l’âge, le nom (“il m’a dit ‘Mme Tartempion..etc”), et des tas d’autres choses jusqu’à ce qu’elles descendent. Ensuite, j’ai eu droit à la maman qui apprenait les lettres de l’alphabet à sa petite fille jusqu’à ce que j’arrive à destination.
Quinze jours plus tard, je devais effectuer un nouveau déplacement sur Paris, aller et retour dans la journée ; j’avais donc dû me lever tôt, et je me disais que je rattraperais mon manue de sommeil dans le train, le “ronron” ayant tendance à m’y aider. Manque de pot, cette fois-là, c’était le grand-père qui raccompagnait le petit-fils chez ses parents… juste sur le siège adossé au mien. Encore une fois, j’ai bénéficié à titre gracieux d’un cours de lecture par le B-A BA, puis à une leçon de géographie (c’est ainsi que j’ai appris que la Seine était une rivière avec de l’eau… nan, je ne blague pas). Et tous les quarts d’heure : “on est bientôt arrivé ?”.. et le papy d’énumérer “il reste Hennebont, Rennes, Laval, Le Mans”, et ainsi de suite, après chaque arrêt.. et même entre deux. Moi qui ai tendance à prendre les autoroutes en sens inverse et qui crains toujours de m’être trompée de train ou d’avion, là au moins j’étais rassurée, je savais que j’étais dans la bonne direction.. mais aussi que j’allais me les coltiner jusqu’à la gare Montparnasse. Quatre heures dans ces conditions, c’est long.. très long ! Lorsque l’enfant a dit qu’il allait dormir, le grand-père a répondu “quand tu dormiras, je dormirai également”, et je ne sais ce qui m’a empêchée de hurler “MOI AUSSI !”.. Mais l’enfant ne s’est jamais endormi et j’ai dû subir le calvaire jusqu’au bout.
A la prochaine réservation, c’est sûr, je demande un wagon “silence”.
“Ne parlez que si votre parole est plus forte que le silence…”
Voilà une réflexion qui vous coupe l’envie de dire quoi que ce soit !
“Le mot que tu as dit est ton maître, le mot que tu n’as pas dit est ton esclave”.
Si vous avez encore envie de parler après cela !
Ce n’est pas un mauvais signe pour la société, c’est simplement permettre à chacun de choisir s’il veut discuter ou s’il rpéfère du silence ! 100% pour.
C’est le principe IDzap / IDzen des ID TGV. À généraliser !