La maxime (de qui est-elle, d’ailleurs ?) est bien connue, et (sur)abondamment invoquée : « la Nature a horreur du vide ! ».
Vraiment ?
Il semble en réalité que ce soit tout le contraire : la Nature adore le vide ! Dès qu’elle en rencontre quelque part, elle se jette sur lui pour le dévorer. Le vide jamais n’y résiste : la Nature l’engloutit ! De la gloutonnerie, oui !
Faites le « vide » dans un récipient, ouvrez le couvercle : l’air s’y engouffre ! Brisez un barrage, une digue : l’eau se répand avec fracas !
Les Hommes, pareillement, se précipitent toujours sur le moindre vide pour le remplir. Les pensées viennent combler le silence avec une redoutable avidité. Un champ est libre ? Il est aussitôt exploité. Des monceaux d’idées erratiques s’infiltrent dans le moindre espace laissé vacant. Le moindre repos, la moindre respiration de l’esprit se trouve envahie. C’est une violence.
Et c’est toujours malgré soi ! Nous sommes impuissants à contrôler ces flux, et nous commettons l’erreur de les tenir pour des marques d’agilité mentale !
Ainsi la Nature, physique ou mentale, loin d’en avoir horreur, a pour le vide beaucoup trop d’appétit. Car c’est un appétit destructeur, qui ne sait préserver ce qu’il aime ! Le vide ne résiste pas à ce dévorement, d’où le sentiment que la Nature ne l’aime pas, et c’est aussi pourquoi l’Homme ne parvient jamais à s’en rassasier : le vide consommé n’est pas assimilé.
Pourtant, quand il saura contempler ce vide et s’y abreuver sans le détruire, sans le combler, il comprendra probablement que ce qu’il aime réellement en lui, c’est la présence subtile et indestructible qui s’y manifeste. Cette présence n’est jamais abolie dans le vide, mais pour la pouvoir saisir, encore faut-il ne pas abolir le vide lui-même !
Pas facile, pour la pensée prédatrice qui nous habite et nous conditionne…
LA NATURE EST LE VIDE
C’est dans l’abandon qu’est la solution majeure
Le laisser-faire sans porter aucun jugement
Ne pas s’approprier le pouvoir des hâbleurs
Se laisser emporter par tous les mouvements
Cesser de se complaire dans l’adoration
D’une pensée stérile qui n’est que possession
Elle a créé le personnage, pur illusoire
Qui maintient l’être dans espoir et désespoir
Alternance de pathologies sans avenir
Projections délirantes d’un quelconque devenir
C’est le regard très clair tourné vers l’intérieur
Qui dissout l’affranchissement du serviteur
Avant cela dominent avidité et peur
Encouragées par la paresse du seigneur
Mais ceci n’a que peu d’importance au final
Seul souffre l’ego dont l’arrogance est le mal
Bonjour Etienne,
Je trouve votre texte d’une extrême lucidité et d’une extrême beauté. Je ne saurais exprimer de la même façon ce que vous venez d’écrire 1 heure 15 après les 12 coups de Minuit.
Mais là, il fait beau dehors, je suis dans les Pyrénées et quand je lis cette note, j’ai l’impression de boire de l’eau fraîche. J’ai envie d’aller à la rencontre du vide, sans pour autant le menacer.
Après tout peu importe s’il prend l’avantage sur moi, il existe et je n’ai pas le choix, je lui fait confiance, il me guide depuis toujours et ne m’a jamais trahit, votre lettre et tout simplement une ode à la vie.
Je ne voudrais pas souiller par des pensées galopantes et ravageuses, l’espace de liberté que vous nous offrez. Aussi par une matinée radieuse, je m’en vais en vous remerciant, contempler la chance que j’ai d’être vivant!!
La Nature a horreur du vide, Aristote sans doute…